1- Comment ces archives se sont-elles retrouvées en votre possession ?
Jean-Yves Empereur, créateur (1990) et directeur du CEAlex avait créé des liens avec des familles alexandrines descendantes des pionniers arrivés dans le courant du XIXe. Il les conviait à des soirées informelles sur la terrasse de l’immeuble.
C’est pourquoi Josiane et Christine Ayoub respectivement épouse et petite fille de descendants des familles Zogheb et Sinano ont choisi de donner les milliers de documents dont elles avaient hérité à Jean Yves Empereur pour d’éventuels travaux de recherches sur cette société particulière, qui s’est créée, a vécu et s’est dissoute entre le milieu du XIXe et le milieu du XXe siècle.
Personnellement, au moment où les dizaines de cartons sont arrivés dans les locaux du CEAlex, je me trouvais là, à la recherche d’un sujet d’études.
J’ai saisi l’occasion…
2- Que ces archives nous disent-elles sur la vie des notables alexandrins entre la fin du XIXe siècle et la moitié du XXe siècle ?
Elles nous disent beaucoup de choses.
Le plus ancien document date de 1866.
Ce sont des documents qui relèvent de la vie privée ou quotidienne et de la sphère publique. Le fonds contient près de 7.000 documents. Ils émanent de deux familles mais nous renseignent sur beaucoup d’autres.
Le fonds Zogheb contient les diaries de Bernard de Zogheb de 1954 à 1998, année précédent sa mort. Il tient chaque jour, une page par jour, le récit de ses journées, de ses rencontres, de ses voyages.
Les soixante petits agendas années 1924-1984 de sa mère Mary de Zogheb (1897-1985). Très bien organisés, ils sont très utiles pour la connaissance de la vie alexandrine ; ils témoignent aussi des opinions de la scriptrice devant les évènements politiques de son temps.
Des albums photos de 1900 à 1998.
Le fonds Ayoub Sinano est une mine de renseignements sur tout ce qui concerne la vie. Ce sont des documents professionnels, domestiques, culturels, religieux, mondains, familiaux.
Il s’agit parfois de griffonnages, de recettes de cuisine, de petits mots, de toutes les cartes postales, cartes de visite, enveloppes vides mais affranchies, factures, listes de courses, listes de noms, plans de table pour une réception, images pieuses, menus, télégrammes, dossiers, correspondances, etc.
Mais aussi, puisque une partie des documents émane de Charles Ayoub, nous trouvons les grands dossiers dont il s’est occupé aux tribunaux mixtes, au contentieux de l’Etat, dans son cabinet d’avocat ou dans ses activités de la société de droit international dont il était un des fondateurs avec Jaspers Brinton. On suit le développement des institutions égyptiennes et alexandrines. On s’intéresse à la corniche d’Alexandrie, aux chemins de fer, aux tramways, à la question de l’impôt sur le revenu, aux lois maritimes, aux questions soulevées par la suppression des tribunaux mixtes et ses conséquences sur les droits à la retraite de ses fonctionnaires ou avocats.
3- Que reste-t-il aujourd'hui de cette Alexandrie cosmopolite ?
On peut peut-être compter sur les doigts d’une main, les derniers représentants de cette société, Lucette de Saab étant morte l’année dernière, elle qui était vraiment représentative avec Bernard de Zogheb (1924-1999) de cette riche société alexandrine.
Dans la ville, on trouve encore, en particulier dans le Quartier grec, quelques belles villas autrefois occupées par nos notables. Certaines ont des chances de rester debout, parce qu’elles sont devenues des musées, des écoles, des centres culturels ou des consulats. D’autres sont à l’abandon et sans doutes condamnées à une destruction programmée. La maison des Sinano, abandonnée pendant de longues années a fini par être rasée et remplacée par un imposant groupe d’immeubles compacts.
La maison Ambron, n’a pas résisté aux bulldozers du profit.
Entretien réalisé par Coline Houssais